Page:Chair molle.djvu/24

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besognes elle allait être contrainte à accomplir ! Il était en noyer, luisant de vernis, haussé par l’entassement des édredons et des couvertures, presque caché sous d’amples rideaux jaunes, frangés de rouge. Rien n’évoquait l’idée de raffinements bizarres. De même, ailleurs, nul objet, nulle gravure obscènes. Tout cela semblait attendre, dans la discrète clarté se filtrant à travers les persiennes closes, une jeune fille très pure, prête à faire sa prière du soir, avant le sommeil.

Au mur, des lithographies étaient appendues. Lucie les voulut voir de plus près, résolue à connaître toutes les infamies. Ce fut une heureuse déception : l’une représentait un berger et une bergère causant sous un arbre ; en l’autre étaient dessinés des costumes de ballet.

Longtemps elle contempla les jambes arrondies des ballerines, leurs sourires gracieux, leurs yeux en coulisses. La vue de ce tableau lui rappela les bals champêtres où elle s’amusait tant autrefois, les jours de chômage. Elle revit la cour d’auberge, plantée d’arbres mal venus, ceinte de gloriettes où, toutes en sueur, les fillettes buvaient des sirops entre les quadrilles. Elle eut une réminiscence des airs de valse, un souvenir de ses premières amourettes, une vision de ses danseurs préférés qui l’embrassaient dans l’oreille pendant