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Page:Challaye - Le Japon illustré, 1915.djvu/66

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LE JAPON

GEISHYA

SERVANTE.

Le physique. — Au physique, les Japonaises sont petites, d’une chair ferme, d’un corps souple et gracieux. Elles ont toutes de beaux cheveux noirs, abondants, brillants et comme laqués. « Ce qui attire le plus les yeux d’un homme chez une femme, écrit au XIVe siècle le moraliste Kenkō, dans son Tsuredzure gusa, c’est la beauté de la chevelure… L’on a dit qu’avec une corde tissée des cheveux d’une femme, l’éléphant énorme peut être lié solidement. »

Les Japonaises ont des yeux noirs étincelants. Elles ont presque toujours la nuque fine.

On peut distinguer d’ailleurs deux types différents entre lesquels il y a une infinité d’intermédiaires.

Cl. Underwood.

TYPE ARISTOCRATIQUE.

La Japonaise du type aristocratique, souvent représentée par les peintres et les graveurs, est moins petite et plus élancée que la Japonaise du type populaire. Elle a le teint clair, et la peau du corps délicate. La tête est mince et allongée, le front haut ; les yeux semblent obliques parce que la paupière est bridée ; le nez est fin, légèrement aquilin, il s’amincit d’une courbe élégante ; la bouche est petite, aux lèvres rouges et bien dessinées. Le cou, découvert par le col du kimono, paraît long, « un vrai cou de cygne » (A. Bellessort, la Société japonaise, p. 294). Les épaules sont tombantes, la poitrine basse, avec les seins pointus et légèrement tombants : « Les Japonais admirent beaucoup cette forme, qu’ils tiennent pour un signe d’aristocratie. » (Marquis de la Mazelière, le Japon, Histoire et civilisation, p. 290). Les mains sont jolies, menues, aux doigts fuselés. Au point de vue de l’esthétique européenne, le bas du corps, souvent, est moins réussi : les hanches sont trop étroites, les jambes courtes, d’apparence parfois un peu cagneuse.

La femme du peuple est plus petite et plus lourde : peau du visage et du corps plus sombre, visage moins ovale, yeux plus grands, pommettes saillantes, nez retroussé aux narines écrasées, jointures souvent grossières, surtout aux poignets.

Les femmes auxquelles la nature n’a pas donné le type aristocratique s’efforcent de s’en rapprocher par divers artifices. Les joues sont blanchies de fard ; la lèvre inférieure sur laquelle est appliqué un point de rouge paraît plus petite.

Nous avons vu comment le kimono drape élégamment le corps de la Japonaise et lui laisse toute sa souplesse ; il découvre la nuque, et parfois même la naissance du col et le haut de la gorge ; quand ses bords inférieurs s’écartent, il laisse voir le bas des jambes. La ceinture formant par derrière une sorte de coussin est d’une étrange fantaisie. A la fois pour ne pas laisser s’écarter trop les pans de son kimono, et pour ne pas perdre ses sandales qui ne tiennent au pied que par le serrement des deux premiers orteils, la Japonaise marche sans détacher du sol les pieds qu’elle tourne en dedans.

Le moral. — Au moral, ce qui caractérise la femme japonaise, c’est surtout l’extrême douceur. Elle accepte avec la plus docile aisance toutes les décisions de son père, si elle est jeune fille, de son mari, si elle est mariée. Elle paraît n’avoir d’autre ambition que de rendre heureux ceux qui l’entourent. Elle est, sur toute la surface de la terre, la plus souriante des femmes.

C’est surtout par son inaltérable douceur et ses prévenances charmantes que la petite et gracieuse Japonaise étonne et séduit l’Européen. « Plus tard, comparées à ces créatures souples, les Européennes lui paraissent anguleuses, osseuses, gauches, dégingandées, prétentieuses et agressives. » (Ludovic Naudeau, le Japon moderne, p. 309.)

La Japonaise n’a pas une pudeur analogue à celle des Européennes, ne s’effarouche pas de laisser voir telle ou telle partie de son corps. Mais, en général, elle est d’une grande réserve, d’une extrême décence dans le langage et les gestes. Contrairement à un préjugé fort répandu, la grande majorité des Japonaise (il faut excepter certaines classes sociales nettement définies) est de mœurs très pures. « Dans sa généralité, la Japonaise doit être classée parmi les femmes les plus chastes du monde. » (S. Bing, « La Japonaise », Revue universelle, no 127.)

Sans doute on ne trouve pas au Japon l’idée ascétique que le don de soi constitue une souillure ; la chasteté des Japonaises tient seulement au respect de la volonté paternelle ou conjugale ; mais ce respect est chez elles un sentiment très fort, qui domine toute leur conduite.

Même la discrétion des Japonaises de la haute société étonnerait Européens et Européennes. « Ce serait commettre un étrange impair que de hasarder auprès d’une dame du monde un compliment appuyé sur ses avantages physiques, voire même sur le goût de sa toilette, et le moindre empressement galant tenant du flirt serait tenu pour un blessant outrage. » (Même article.)

Situation inférieure de la femme dans la famille et la société. — Cet être de grâce et de douceur, la Japonaise, occupe encore dans la société de son pays une situation bien subordonnée.

Certes elle est mieux traitée que dans n’importe quel autre pays d’Asie, mieux que n’est la femme aux Indes, par exemple, ou en Chine. Elle n’est pas enfermée, elle peut sortir librement et sans voiles, elle n’est que rarement battue. Quand même, elle n’atteint jamais ni ne peut atteindre à une vie aussi libre, aussi personnelle que l’homme ; elle doit sacrifier entièrement tout droit à son bonheur propre ; elle doit rester toute la vie une mineure. C’est le trait des mœurs japonaises qui choque et mérite de choquer le plus vivement les Européens.

La Japonaise est mal accueillie à