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Page:Challaye - Le Japon illustré, 1915.djvu/71

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LA FEMME ET L’AMOUR

Au même instant sa faible étreinte se détend, son regard s’éteint dans un singulier sourire, et, avant que le jeune homme puisse avancer le bras pour la soutenir, elle s’affaisse… Il se précipite pour la relever ; mais quelque chose s’est brisé dans cette constitution délicate : la vie l’a quittée. » (Kokoro).

 

JEUNES FEMMES A LEUR TOILETTE, PAR KIYOHIRO.

La légende dit : La jeune femme qui n’a pas encore d’enfants est comme le cerisier qui commence à porter des fleurs.

Collection H. Vever.

SCÈNE D’INTÉRIEUR, PAR KIYONAGA.

Au premier plan, une femme se chauffe les pieds sous le kotatsu et allume sa pipette au brasero.

La femme et l’amour dans l’ancien Japon. — Comment expliquer que la femme occupe au Japon, dans la famille et dans la société, une situation aussi médiocre, aussi subordonnée ?

Sans doute on rencontre chez tous les peuples, surtout aux origines de leur histoire, l’idée que la femme est un être inférieur à l’homme. Chez les primitifs, comme le bien s’oppose au mal, le sacré au profane, le ciel à la terre, le jour à la nuit, la droite à la gauche, ainsi l’homme s’oppose à la femme, et il doit l’emporter sur elle.

Mais il est remarquable qu’au contraire, dans l’ancien Japon, la femme a joué un rôle beaucoup plus important qu’elle ne joue de nos jours.

D’abord la vieille religion du pays, le shintoïsme, fait à la femme une grande place (voir plus bas le chapitre les Religions). « La part assignée à la femme, la valeur attachée à ses vertus, distinguent le shintō de tous les autres cultes orientaux, spécialement du système patriarcal de la Chine, avec lequel on le confond souvent. » (Captain J. Brinkley, Japan and China, tome V. p. 127). Deux divinités féminines, la déesse du Soleil et la déesse de la Nourriture sont particulièrement adorées. Le premier exploit de l’un des dieux les plus populaires, Susanoo, c’est de sauver une jeune fille d’un dragon à huit têtes. Quand l’empereur Sūjin apprend, d’une révélation divine, qu’il ne doit plus conserver le miroir et l’épée sacrés, il les confie à une prêtresse-princesse. L’emplacement des temples les plus importants, ceux d’Ise, fut fixé par la mère de cet empereur à qui avaient été confiés ces objets divins.

A la construction des édifices sacrés, c’étaient de jeunes vierges qui nivelaient le sol et commençaient les travaux. A la grande cérémonie de la Purification, dans le temple de Kasuga, le principal personnage était une prêtresse ; des femmes et des jeunes filles à cheval participaient à la procession. C’étaient des prêtresses vierges qui devaient danser en l’honneur des divinités locales du shintoïsme. Ces prêtresses devaient rester chastes pendant la durée de leurs fonctions ; mais ensuite elles pouvaient très bien se marier.

Aux premiers temps de l’histoire japonaise, une femme peut occuper les fonctions souveraines. Le plus grand souverain de ces lointaines époques aurait été une impératrice de Kyūshyū, Jingō, qui aurait, au IIIe siècle de l’ère chrétienne, conquis la Corée (voir plus bas Historique sommaire.)

Les vieilles histoires mentionnent fréquemment des noms de femmes chefs de tribus. Certains écrivains chinois d’alors appellent le Japon le Pays de la reine et croient que « le monstrueux régime » du gouvernement par les femmes y est la règle (Aston, Littérature japonaise, p. 50).

A l’époque dite de Heian (Kyōto), qui s’étend du début du IXe siècle au milieu du XIIe siècle, les femmes occupent une situation tout à fait prééminente. C’est elles qui font la loi à la cour du mikado.

A cette époque, et même à l’époque précédente, époque de Nara (VIIIe siècle), ce sont des femmes qui composent le plus grand nombre d’œuvres japonaises, en vers et en prose, et les meilleures. Les deux plus illustres ouvrages de la période Heian, qui est considérée comme l’âge classique de la littérature nationale, les Esquisses de l’oreiller et le Roman de Genji, ont été écrits par deux femmes (voir plus bas le chapitre la Littérature).

Le Roman de Genji (Genji Monogatari) est surtout consacré à peindre des caractères de femmes. Un des plus célèbres passages de cette œuvre fameuse, c’est une conversation entre deux jeunes gens sur le caractère féminin.