Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/296

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lui-même semblait sortir plus naturellement et plus librement de la nécessité créatrice qui était en moi, que si je l’eusse formé en vue de la musique elle-même. Auparavant, il m’avait fallu conquérir la faculté de l’expression musicale, comme on apprend une langue. Celui qui ne possède pas encore complètement une langue étrangère est forcé, dès qu’il s’exprime, de tenir compte, sans cesse, des particularités de cette langue ; pour s’exprimer de façon à être clairement compris, il doit toujours songer aux expressions dont il dispose, et calculer ce qu’il dit, pour s’y adapter… Mais maintenant, je possédais pleinement le langage musical ; il m’était comme une langue maternelle… « On le voit, le contraste frappant entre Rienzi, l’opéra en cinq actes, à la musique pompeuse et « massive » et le Vaisseau Fantôme, « en un acte », sans fioritures, dans sa rude simplicité, n’empêche pas, en définitive, leur étroite parenté !

J’aurai à revenir sur le Vaisseau Fantôme à propos de Tannhäuser et de Lohengrin ; j’ai cru qu’ici il y avait plus d’importance à m’étendre sur ce Rienzi si méconnu qu’on a, d’ailleurs, désigné avec raison comme une borne miliairedans l’histoire de l’art, et à ne signaler que la dépendance que garde le Vaisseau Fantôme, première œuvre du « poète », à l’égard de Rienzi, œuvre le plus exclusivement « musicale » de Wagner. Rienzi est au tournant du développement artistique de ce dernier ; et c’est en le comprenant bien qu’on s’achemine le mieux vers une compréhension, à la fois complète et critique, des œuvres immortelles qui devaient le suivre.