Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/37

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père que Richard Wagner doit d’avoir grandi, tout enfant, dans le monde du théâtre, et d’y avoir trouvé, à l’âge où l’intelligence consciente s’éveille, comme une première orientation de sa destinée.

Je reviendrai tout à l’heure sur Ludwig Geyer ; mais auparavant il me faut dire quelques mots d’Adolphe Wagner, l’oncle de Richard. Cet homme, en effet, nous intéresse à double titre, soit en raison de ce qu’il partageait, en très large mesure, les dons remarquables de sa famille, soit surtout parce qu’il exerça sur son neveu, spécialement à une époque critique du développement de celui-ci (à la fin de ses années de collège et lors de ses études universitaires), une influence bienfaisante et durable. Le nom d’Adolphe Wagner n’est pas absolument inconnu dans la littérature allemande. Cet homme remarquablement instruit et d’une infatigable activité ne manquait pas d’aptitudes pour la production artistique : plusieurs de ses écrits le prouvent surabondamment ; ce qui lui faisait plutôt défaut, c’était le pouvoir de se concentrer, au milieu de trop d’intérêts divers attirant tour à tour son esprit anxieux. Artiste, il l’était, en un sens ; mais son impressionnabilité, sa réceptivité étaient telles qu’il ne put jamais défendre son individualité artistique contre les mille influences du dehors,

Adolphe Wagner manquait de cette foi en soi-même qui est nécessaire pour la création. Une méconnaissait rien, et comprenait tout, de la tragédie grecque à Burns et à Byron, de la métaphysique de Giordano Bruno à l’histoire de la peinture : son cœur et son esprit embrassaient les sujets les plus divers d’un même amour, d’une même sympathie, où se fondait et se perdait sa propre individualité. Aussi le voyons-nous se censacrer de préférence à l’œuvre pieuse d’éditions