LES HON'N'EURS 319
trer aux premières loges pour en voir davantage... ' ». Quelques jours après, il écrivait à une dame : « ... Vous prétendez que crnaTopi. est un substantif. J'ai des raisons de croire que c'est un adjectif, car il ajoute beaucoup à la masse de nos tribulations. C'est mon tailleur qui veut faire de moi une enseigne à M. Ruolz. Ce sont des parents qui me surviennent de diverses provinces, et d'anciens condisciples qui ont eu des malbeurs et me rappellent qu'ils ont partagé en 181 5 une pomme cuite avec moi. Çà et là je vois de beaux traits... 2 » L'effet produit par cette nomination fut grand, et suscita à Mérimée bien des ennemis — par jalousie et par envie. De ce nombre fut Yielcastel qui, après avoir dîné avec lui à St-Cermain 3 5 en compagnie du prince de Schauenbourg, de Saulcy, La Saussaye et Edouard Delessert, écrivait sur son carnet ces lignes fielleuses et injustes : « Mérimée est un homme de mérite, ambitieuse taupe qui creuse son che- min sans bruit 4. Mérimée est athée et égoïste, voilà de belles recommandations pour être sénateur! Mérimée a de l'esprit, mais il a surtout celui de paraître en avoir plus qu'il n'en possède; il aime à poser, parle lourde-
1. Ce fut Lebrun qui le guida dans la vie sénatoriale. On trouve, en effet, dans ses papiers (XI, 6), une lettre inédite de Mérimée, datée de vendredi, où on lit : « Auriez-vous la bonté de me dire si je dois aller au Sénat en petit ou en grand uniforme et où je dois me tenir pendant qu'on me vérifiera ? J'ai envoyé hier à M. Troplong une pièce qu'il m'a demandée. » C'est encore à lui qu'il s'adressa quand il fallut émarger : « Soyez assez bon pour médire où une personne pourvue de son certifi- cat de vie et de sa dotation pourrait aller toucher son mois, ou plutôt ses mois? Vous obligerez grandement votre bien dévoué collègue. »
2. Lettre inédite du 3 juillet 1853,;! M me de Lagrené.
3. lin juillet 1833.
4. Yielcastel, II, 160.
