Aller au contenu

Page:Chambon - Notes sur Prosper Mérimée, 1902.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

332 NOTES SUR PROSPER MÉRIMÉE

« Aujourd'hui, dit-il, ces copies grotesques nous font rire lorsqu'elles ne nous affligent point. Prenons garde que le troupeau des imitateurs ne nous donne un pareil spectacle. Je sais un fort galant homme, que j'ai converti, du moins il le prétend, à l'architecture du Moyen Age, et qui, vivant tout près d'une caserne de gendarmerie, se fait bâtir une maison de campagne avec créneaux, mâchi- coulis et tour de guette. Pourtant il sait bien qu'il n'y a plus de routiers en France. Une église du xvi e siècle, qui n'a pas de clocher, est menacée, me dit-on, par la piété de ses paroissiens, d'une flèche gothique en ciment ro- main, et j'ai vu le projet d'une gare de chemin de fer, dont la façade, comme pour avertir les voyageurs de la possibilité d'un déraillement, doit leur présenter les mou- lages d'un jugement dernier emprunté à une de nos cathédrales gothiques. Autant l'imitation la plus exacte est recommandable dans la restauration d'un édifice ancien, autant elle est blâmable et ridicule lorsque, dans un bâtiment moderne, elle ne tient aucun compte ni de sa convenance, ni de sa destination. L'admiration pro- fonde que m'inspire l'architecture du Moyen Age me fait regarder son emploi indiscret comme une sorte de pro- fanation coupable... »

Voici la péroraison du discours :

« Je m'arrête, Messieurs, et je ne parlerai pas davan- tage d'art et de goût devant la Société des Antiquaires de Normandie qui en connaît si bien et en professe si éloquemment les principes. Encouragé par votre bien- veillance, et trouvant au milieu de vous une autorité que mes paroles n'auraient point ailleurs, je n'ai pu résister à