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Page:Chambon - Notes sur Prosper Mérimée, 1902.djvu/417

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INTRIGUES ACADÉMIQUES 39 I

fit autrefois. J'ai interrompu l'impression de ma nouvelle édition de Proclus... Je n'écris pas, je me contente de rêver. Mais à quoi pensez-vous que je rêve, mon cher Lebrun? Je rêve à mon pays, à la curieuse et intéressante situation nouvelle que les élections de M. de Persigny nous ont faite; et par quels moyens, des difficultés mêmes que lui suscite la formidable coalition qui s'élève, un homme prudent et résolu peut tirer l'affermissement de sa dynastie, c'est-à-dire l'établissement du gouverne- ment qui convient à la France. Voilà le sujet des rêveries du vieux patriote et pendant mes promenades solitaires de midi à 4 heures, savez-vous quel est mon interlocu- teur invisible, celui à qui j'adresse les discours que j'en- fante, celui que je tâche de persuader? Ce personnage absent et toujours présent, c'est l'Empereur et je vous assure que je lui refais le discours de Thiers « en des termes et avec des variantes qui pourraient le rendre en grande partie acceptable. D'abord je me sépare de Thiers sur le gouvernement parlementaire ; je n'en veux pas, je suis convaincu que le gouvernement mènerait l'Empire où il a mené la Restauration et la Maison d'Orléans, et je dis avec M. Ollivier: il faut que l'Empereur gouverne. Mais d'un autre côté, je demande à un esprit aussi éclairé si sérieusement et de bonne foi il croit pouvoir enchaîner la France à la Constitution de l'an VII, cette constitution qui est de M. Sieyès encore plus que de Napoléon, à la- quelle personne n'a fait attention, qui a vu l'Empire pas- ser sur sa tête sans jamais l'avertir, l'arrêter, sans jamais le servir, n'étant ni un aiguillon, ni un frein, ni un con-

1. Probablement le Discours sur les libertés nécessaires prononcé le 11 janvier (Discours parlementaires de M. Thiers, p. p. A. Calmou, t. IX. 3S5-40S).