Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/47

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état de la province.

ple, je me ferais un reproche si je n’indiquais cette conséquence, qui pourrait être terrible. De bonne foi, se persuade-t-on que ces résolutions sont de nature à consolider l’état du Pays ? Pour moi j’y vois son malheur, sa destruction, et l’esclavage. J’ai exprimé librement et courtement mes sentimens par rapport à ces résolutions ; je voterai contre ; et quoiqu’il arrive, j’aurai fait mon devoir.

M. Gugy : Ces paroles ne sont pas des raisons. L’hon. membre qui vient de s’asseoir vient de nous faire ce qu’on appelle un discours parlementaire ; il a voulu nous faire un grand tableau de nos maux ; il a pris pour son texte nos griefs, il en a cité une foule ; et il n’a pas montré d’où ils venaient et si la chambre n’en était point la cause. Il y a des griefs, et ces résolutions sont le moyen d’en avoir la réparation : voilà tout ce qu’il dit. Il a parlé de documens dont le gouverneur a refusé la communication à cette chambre, sans prouver qu’ils étaient nécessaires ni que le gouverneur pouvait ou devait les montrer. Je citerai le cas du président des États-Unis, qui a dernièrement refusé au congrès des États, l’état des comptes de la banque ; lui qui n’est élu que pour quatre ans, il a cru qu’il y avait quelquefois des devoirs à remplir, qui se trouvent contraires aux vœux du peuple. Sans être appelé à défendre la cause de l’Exécutif, je demanderai qu’on nous démontre en quoi les documens, qu’il nous a refusés, pouvaient nous être utiles. L’hon. membre pour le comté de Richelieu nous a fait part d’une anecdote fort agréable, moi aussi je finirai par une anecdote applicable à la circonstance : Un officier commandant, ayant demandé à un subalterne ses retours de parades ; eh bien ! mon général, dit celui-ci ils sont tous présens, excepté ceux qui sont absens : tels sont les argumens de l’hon. M : ils sont tous présens, excepté ceux qui sont absens.

M. l’Orateur Papineau : Une anecdote aussi indéchiffrable et aussi triviale semble ne devoir pas convenir dans cette Assemblée, ni mériter beaucoup d’attention. Quant au président des États-Unis, l’hon. membre se méprend entièrement. Il n’a pas refusé les papiers qu’on lui demandait ; mais il a dit que par les lois, c’était entre les mains de l’officier de la Trésorerie que se trouvaient ces documens, et que c’était à lui de les communiquer au congrès : et cet officier l’a fait aussi. Le président n’a fait que référer à une autre autorité. D’ailleurs cette affaire ne nous regarde en rien ; et quand il aurait fait ce refus, toujours serait-il vrai que ce n’est pas comme ici un usage constant et journalier.

M. Vanfelson : Jusqu’ici j’ai gardé le silence, pour entendre les argumens donnés de part et d’autre. Avant ce soir la question n’a été envisagée que sous un point de vue général ; et personne n’a parlé sur le mérite des résolutions. Ce soir a commencé cette discussion sur les détails. En applicant mon opinion, je tâcherai de le faire avec le sang-froid de l’hon. membre pour la Haute-Ville, m’adressant à la chose, et non aux personnes mais sera pour en venir à des conclusions différentes des siennes. Je me déclare en faveurs de la mesure. Il y a longtemps que le Pays souffre, et nous devons demander des remèdes. Tout le monde convient de ces maux : on ne diffère que sur les moyens. Les uns prétendent qu’il est dangereux de se mettre en collision avec toutes les autorités, coloniales et métropolitaines. M. Neilson, ami du pays, et avec bonne foi, comme j’aime à le croire, maintient que c’est notre faute, si nos maux n’ont pas été réparés. M. Stuart, de son côté, assure que si une collision avait lieu, cela aurait l’effet d’augmenter les forces de la minorité dans ce Pays. Quant à moi, qui approuve ces résolutions, je crois que nous appartenons à un gouvernement sage, judicieux ; que nos représentations, également justes et raisonnables, en seront bien accueillies, et qu’enfin nous en obtiendrons ce que nous demandons depuis si longtemps. M. Gugy, dans son discours d’hier au soir, a voulu faire croire qu’il s’agissait de déclarer la guerre à la mère-patrie. Je défie de démontrer qu’aucune de nos représentations ne soit conforme aux règles de la saine politique, et contienne rien d’offensant pour le peuple anglais ; Il ne s’agit pas de soldats, de boulets, ni de canons. L’hon. membre s’est mépris, ou a feint de se méprendre. Dans tous les temps, il y a eu des abus, et des représentations ont été faites : et quand ces abus sont rendus à un excès insupportable, il n’est pas à supposer que nous n’oserons pas nous plaindre. Pour repousser cette assertion de M. Gugy, qui tendrait à intimider les esprits, je prendrai la liberté de rappeler les diverses époques politiques où le pays a eu à lutter, et où il a toujours eu l’avantage, quand il s’est montré ferme. Depuis la cession, nous avons toujours été en lutte avec les étrangers qui sont venus, ici ; et quoiqu’ils fussent en petit nombre, leurs relations de l’autre côté de la mer, et l’intérêt qu’on y prend pour eux, ont rendu forte leur opposition ; et empêché que nous ne puissions, obtenir ce que nous demandions. Dès 1790, quand on parlait de nous donner la constitution telle qu’elle est, ces ennemis du pays s’y sont opposés. Depuis six ans les Canadiens sollicitaient en vain pour l’obtenir, tant était vive et forte leur opposition. Mais à peine l’acte de 1791 eut-il été passé, qu’ils furent les premiers à en profiter. Leur influence était alors la plus considérable, et pendant les 15 premières années ils composèrent la majorité dans cette chambre. Il y avait parmi eux des juges, des conseillers exécutifs. On poussait l’antipathie nationale, jusqu’à reprocher aux membres de la minorité leur manque de loyauté, s’ils osaient faire quelque opposition ; et cet ordre de choses a duré jusqu’en 1810. Vers ce temps un engin utile pour l’éducation politique, je veux dire la presse, qui n’avait alors que l’ancienne Gazette de Québec, s’est établi dans le Bas-Canada. On a senti la nécessité d’avoir un papier public à mettre en opposition avec le Mercury, pour réfuter ses calomnies contre les Canadiens. En conséquen-