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Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/48

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état de la province.

ce il s’est établi à Québec un papier, appelé le Canadien. Alors a commencé le goût de la politique ; et c’est ce qui a fait changer la composition de cette chambre. La discussion de ces papiers a fait comprendre que les juges ne devaient pas être membres de la chambre. Par une résolution il fut déclaré qu’ils ne devaient pas y être, et la chambre fut accusée de vouloir renverser la constitution. Le résultat fut que l’année suivante on reçut un ordre d’Angleterre, qui disqualifiait les juges à siéger dans la chambre. À une époque plus reculée, cette presse a encore produit une autre révolution. La liberté de ses discussions lui attira de la part de l’administration, une persécution, dont celle-ci aura longtemps à rougir. On fit saisir cette presse populaire ; on arrêta ceux qui la conduisaient ; et on plongea dans les cachots les citoyens les plus respectables. Cette persécution n’a été que momentanée. La fermeté et l’énergie de ceux qui en ont été les victimes, ont tourné au profit du peuple. Ces mêmes personnes, ainsi confinées dans les prisons, ont été reconnues comme des hommes de caractère, et on leur a donné les charges les plus importantes. À cette époque de 1810, dans une crise des plus violentes, un individu surtout a défendu et maintenu les droits du peuple. Cet homme est feu M. le Juge Bedard ; je devrais dire l’immortel Bedard, qui a fait pour nous les plus grands sacrifices, et dont le nom doit être à jamais cher aux Canadiens. Quelle a été encore la conséquence de cette lutte ? Quelque temps auparavant les juges avaient été disqualifiés comme membres, on s’est alors débarrassé de l’influence de l’exécutif dans la chambre. À cette époque il y avait encore des conseillers exécutifs dans la branche représentative. Les violences du gouverneur d’alors firent ouvrir les yeux, et l’on s’apperçut que la charge de représentans du peuple ne convenait pas à ceux qui avaient d’autres intérêts à représenter. Une administration plus heureuse succéda à celle du gén. Craig, et les affaires politiques du pays prirent un meilleur aspect. Au sortir de cette administration orageuse, ce même peuple qui avait été calomnié, a été appelé à défendre le pays contre les États-Unis, qui l’invitaient à se joindre à eux. Les mêmes individus, qui avaient été plongés dans les cachots, ont volé sur les frontières ; et on les a vus à la tête des milices. On a reconnu qu’on avait mal à propos injurié et calomnié les Canadiens. Ils ont ouvert les coffres publics pour soutenu la guerre, et ils ont souffert le cours des bills d’armée. La chambre même a déclaré tous les citoyens soldats. De pareils traits auraient dû engager à mettre fin à nos maux. Néanmoins, la guerre Américaine n’a pas été plutôt finie, que de nouveau on a cherché à nous calomnier. Depuis 1815 jusqu’en 1827, nos maux ont considérablement augmenté. À cette époque l’administration qui n’était rien moins que populaire, a forcé le peuple de s’assembler, de dresser des requêtes, dénommer des agens, et de soumettre ses plaintes en Angleterre. En conséquence de ces requêtes, les affaires furent suspendues ; et la chambre se montra l’organe du peuple. En 1831 on reçut une dépêche d’Angleterre, qui répandit la joie dans la Province. On y récapitulait tous nos griefs ; on en convenait ; on promettait d’y remédier ; et je le demande à M. Neilson, quels remèdes a-t-on employés, et quels maux sont disparus ? Quelques-unes de ces promesses ont-elles été accomplies ? Nos Finances ne sont-elles pas encore dans le même embarras ? La Législature a passé un bill par rapport à des impôts temporaires, rendus permanens par des lois passées dans le Parlement Impérial ; le Conseil y a concouru ; mais le Haut-Canada n’a pas voulu y accéder. La condition imposée par la Dépêche était que le Haut-Canada devait y donner son consentement, au lieu de dire simplement que la clause de l’acte de la 14e, relative aux revenus dont il est question, pourrait être rappelée par un Acte de cette Législature. Pourquoi faire intervenir ainsi une autre Province dans nos propres affaires ? Le Haut-Canada a su profiter de son influence en Angleterre pour empêcher que cette clause de l’Acte de la 14e Geo. 3 ne fût rappelée. On nous a donc indiqué un remède impossible à appliquer. Qu’est ce qui a été fait pour les terres de la Couronne ? À cette époque on se plaignait que ces terres étaient particulièrement données à des étrangers ; et notre plainte a été regardée comme fondée. Que fait-on aujourd’hui ? On les vend à une compagnie ; et ceux qui retireront les produits de cette vente n’ont pas de comptes à nous rendre : on ne sait pas même quel est leur salaire. Sont-ce là les remèdes, qu’on entendait donner ? On a parlé de distinction nationale ; c’est un sujet qui me déplait extrêmement, et dont je ne voudrais pas entendre parler. Mais est-ce notre faute, si nous sommes obligés de nous y arrêter ? N’est-ce pas dû plutôt à une dépêche du Bureau colonial, de Lord Goderich ? Si par une telle dépêche on nous force d’émettre notre opinion sur cette matière, qu’on ne nous en fasse pas un crime ; mais qu’on s’en prenne à ceux qui nous ont obligés d’en prendre connaissance. Depuis 1831, loin qu’on ait remédié à nos griefs, le mal a toujours été croissant ; raison de voir avec chagrin la manière dont les affaires ont été conduites alors. Tout le monde se rappelle les difficultés qui ont eu lieu, l’année dernière, entre l’Exécutif et la Chambre d’Assemblée. Il suffit d’ouvrir le journal, et d’y lire les messages et les réponses de Son Excellence, pour se convaincre que nous sommes en arrière de ce que nous étions en 1828. Peut-on voir cet état de choses, sans y être sensible ? Quand nous ne rencontrons partout que froideur et opposition, resterons-nous muets et inactifs ? Enfin pour comble de malheur le parti qui veut nous opprimer s’est grossi d’un nouvel ennemi politique. Les choses en sont rendues à un point que, quand bien même la chambre n’aurait pas été en collision avec M. Stanley, elle n’en aurait pas été moins obligée de faire entendre à l’Angleterre les sentimens du Peuple. L’année dernière la chambre, usant de ses