Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/450

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— Les gens de lettres aiment ceux qu’ils amusent, comme les voyageurs aiment ceux qu’ils étonnent.

— Qu’est-ce que c’est qu’un homme de lettres qui n’est pas rehaussé par son caractère, par le mérite de ses amis, et par un peu d’aisance ? Si ce dernier avantage lui manque au point qu’il soit hors d’état de vivre convenablement dans la société où son mérite l’appelle, qu’a-t-il besoin du monde ? Son seul parti n’est-il pas de se choisir une retraite où il puisse cultiver en paix son âme, son caractère et sa raison ? Faut-il qu’il porte le poids de la société, sans recueillir un seul des avantages qu’elle procure aux autres classes de citoyens ? Plus d’un homme de lettres, forcé de prendre ce parti, y a trouvé le bonheur qu’il eût cherché ailleurs vainement. C’est celui-là qui peut dire qu’en lui refusant tout, on lui a tout donné. Dans combien d’occasions ne peut-on pas répéter le mot de Thémistocle : « Hélas ! nous périssions, si nous n’eussions péri ! »

— Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages, est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur, et la médiocrité des idées du public.

— On dit et on répète, après avoir lu quelque ouvrage qui respire la vertu : C’est dommage que les auteurs ne se peignent pas dans leurs écrits, et qu’on ne puisse pas conclure d’un pareil ouvrage que l’auteur est ce qu’il paraît être. Il est vrai