Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. 205

de poudre, introduits depuis deux jours, au mo- ment où tous les Parisiens étaient devenus sol- dats, devaient servir le feu de son artillerie. Quatre-vingts Suisses ou Invalides formaient sa garnison. Des monceaux de pierres accumulées sur les remparts et sur les bastions devaient les préserver d’un assaut. C’est de là que le gouver- neur, détesté du peuple, croyait pouvoir le braxer. Mais tous les yeux étaient tournés vers cette forteresse. Dès le matin, ces mots à la Bas- tille! à la Bastille! se répétaient dans tout Paris ; et, dès la veille, quelques citoyens avaient tracé contre elle des plans d’attaque. La fureur popu, laire tint lieu de plan. On aperçoit les canons dirigés contre la ville. Un citoyen seul (i), au nom de son district, vient prier le gouverneur d’épargner cet aspect au peuple. Il lui donne har- diment des conseils qui semblaient une somma- tion. A sa voix, les canons se détournent ; et le peuple applaudit au courageux citoyen qui, du haut des tours, se montre à sa vue. Bientôt une multitude nouvelle vient demander des armes et des munitions. On la reçoit dans la première cour ; mais à peine entrée, soit méprise des sol- dats de l’intérieur, soit perfidie du gouverneur lui - même, un grand nombre de ces malheu- reux expire sous un feu roulant de mousque- terie. Les cris des mourans retentissent au de-

(i) M. Thuriot de la Rosière.