Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/253

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DE CITAMFOIIT. 2 49

"moyens de la vaincre. Il savait ce qu'il voulait, chose 'plus rare qu'on ne pense; et, malgré une foule d'inconséquences dans les détails de sa vie privée, il marchait toujours à son but. C'est ce qu'avait démêlé Voltaire à travers les folies dont il avait été témoin, et que lui-même avait parta- gées. Richelieu, dès sa première jeunesse, avait arrangé son plan d'égoïsme : ce qui suppose , à la vérité, une âme froide et un esprit déjà pervers, mais capable de réflexion. Ce plan s'étendit en- suite avec les succès et avec les espérances qu'ils font naître; mais il le rapporta toujours à un même objet, à un calcul de bonheur tel que ses idées et ses passions lui permettaient de le con- cevoir. Rechercher tous les plaisirs, tirer de leur pub icité même une sorte de gloire et un moyen de lesmultipiier, courir à la fortune par toutes les ^oies qui étaient à son usage ( et presque toutes y étaient), se maintenir auprès du maître^ avoir une place à la cour et un gouvernement, où il pût faire tout ce qu'il voudrait : voilà les idées qui l'occupaient dans le sein des plaisirs même. A la vérité, telles sont à peu près celles des courtisans qui se trouvent à portée de former de pareils projets; mais nul n'avait, plus que Riche- lieu, l'art de deviner et déménager quiconque pouvait le servir dans ses vues. Il dut même en être occupé plus constamment, persuadé, d'après une prédiction d'astrologue, qu'il remplirait la car- rière d'un siècle : il ne s'est trompé que de huit ans.

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