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Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/332

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Et non deux ; souviens-t-en, et parle au singulier.

Belton.

Tu le veux : eh bien ! soit. Je vais vous… tutoyer.
Mon père est indulgent ; mais ma trop longue absence
A peut-être depuis lassé sa patience ;
Après tous les chagrins que j’ai pu lui donner,
Le penses-tu ? peut-il encor me pardonner ?

Mowbrai.

Tu ne sais ce que c’est que l’âme paternelle.
Dès qu’un enfant revient se ranger sous notre aile,
On n’examine plus s’il est coupable ou non ;
Et l’aveu de l’erreur est l’instant du pardon.
Mais après ce qu’ici je consens à te dire,
Si désormais encor un imprudent délire
T’égarait, t’éloignait des routes du devoir,
Si d’un pareil aveu tu t’osais prévaloir,
Je te mépriserais sans retour ; mais je pense
Qu’après cinq ans entiers d’erreurs et d’imprudence,
Le fils infortuné d’un ami généreux,
Puisqu’il s’adresse à moi, veut être vertueux :
Et pour me mettre en droit d’adoucir ta misère…

(Ici Belton frémit.)

Ta misère… oui. Voyez un peu la belle affaire…
Regardez comme il est confus, humilié,
Pour ce mot de misère !… Ô ciel ! quelle pitié !
De ton père envers moi l’amitié peu commune
Dernièrement encor a sauvé ma fortune.
Je perdis deux vaisseaux, presqu’au port, sous mes yeux ;
On me crut sans ressource : un créancier fougueux,
Afin de rassurer sa timide avarice,
Veut que je fixe un terme, et que j’aille en justice,