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Page:Chamisso - L’homme qui a perdu son ombre, 1864.djvu/29

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Tout en parlant, je lui donnai autant d’or que j’en avais pu porter ; j’y ajoutai des bijoux et des diamants d’une valeur encore plus grande, et je poursuivis : — « Voilà ce qui aplanit bien des chemins, et rend aisées bien des choses qui paraissent impossibles. Ne sois pas plus économe de ces richesses que moi-même. Va, Bendel, va, et ne songe qu’à rapporter à ton maître des nouvelles sur lesquelles il fonde son unique espérance. »

Il revint tard et triste. Il n’avait rien appris des gens de M. John, rien des personnes de sa société. Il avait parlé cependant à plusieurs, et aucune ne paraissait avoir le moindre souvenir de l’homme en habit gris. La lunette était encore entre les mains de M. John ; le pavillon, tendu sur la colline, couvrait encore le riche tapis de Turquie. Les valets vantaient l’opulence de leur maître, mais tous ignoraient également d’où lui venaient ces nouveaux objets de luxe. Lui-même y prenait plaisir, sans paraître se rappeler celui de qui il les tenait. Les jeunes gens qui avaient monté les chevaux noirs les avaient encore dans leurs écuries, et ils s’accordaient à célébrer la générosité de M. John, qui leur en avait fait présent.

Le récit long et circonstancié de Bendel m’éclairait peu ; cependant, quelque infructueuses qu’eussent été ses démarches, je ne pus refuser des louanges à son zèle, à son activité et à sa prudence mesurée. — Je lui fis signe, en soupirant, de me laisser seul.

— « J’ai, reprit-il, rendu compte à Mon-