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l’occident en devançant l’aurore. J’étais avant le jour dans la Thébaïde, à la grotte que j’avais marquée la veille pour mon habitation.

Dès que j’eus pris quelque repos, et que le jour éclaira l’Europe, je songeai à me procurer tout ce qui m’était nécessaire. D’abord il fallut songer au moyen d’enrayer ma chaussure vagabonde ; car j’avais éprouvé combien il était incommode d’être obligé de l’ôter chaque fois que je voulais raccourcir le pas, ou examiner à loisir quelque objet voisin. Des pantoufles que je mettais par dessus mes bottes produisirent exactement l’effet que je m’en étais promis, et je m’accoutumai plus tard à en avoir toujours deux paires sur moi, parce qu’il m’arrivait souvent d’en jeter une, sans avoir le temps de la ramasser, quand des lions, des hommes ou des ours m’interrompaient dans mes travaux, et me forçaient à fuir. Ma montre, qui était excellente, pouvait, dans mes courses rapides, me servir de chronomètre. J’avais encore besoin d’un sextant, de quelques instruments de physique et de quelques livres.

Je fis pour acquérir tout cela quelques courses dangereuses à Paris et à Londres. Un ciel couvert me favorisa. Quand le reste de mon or fut épuisé, j’apportai en paiement des dents d’éléphant, que j’allai chercher dans les déserts de l’Afrique, choisissant celles dont le poids n’excédait pas mes forces. Je fus bientôt pourvu de tout ce qu’il me fallait, et je commençai mon nouveau genre de vie.

Je parcourais incessamment la terre en mesu-