Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/195

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GÉRARD DE NERVAL 467 lancolie, qui contient une sorte de tristesse douce, rendue par sa conformation et son assonance. Un des faits qui m'a toujours le plus particulièrement frappé, est que Gérard, vivant en plein romantisme, avec les romantiques échevelés, ceux en pourpoint rouge, ceux buvant dans des crânes et ceux à poignard, a subi peu l'influence de cette école, dans le fond et dans la forme. On le voit seulement un peu préoccupé de Ron- sard; en le pressant, il était loin de médire de Béranger, pour lequel les romantiques ne montraient guère plus de respect que pour Voltaire. Gérard avait l'esprit plus fran- çais que ses amis. Il a sacritié aux idées allemandes en donnant une traduction de Goethe; il a paru très-enthou- siaste d'Henri Heine, mais au fond il eût donné l'Alle- magne et le romantisme pour une page claire et vivante du xvni e siècle; seulement il n'osait pas l'avouer, à cause de sa nature tranquille, qui avait horreur de la discussion et des tempêtes d'école. A cette époque , s'il eût fait part de ses secrètes prédi- lections, je frémis de penser quel sort l'attendait au mi- lieu de la société du Bousingot, dont le type le plus mar- qué était feu Petrus Borel. 11 reste un petit livre de poé- sies, intitulé Rhapsodies , qui rend la physionomie de ce temps. Gérard est entouré d'êtres à noms singuliers : Napoléon Thom, Joseph Bouchardy, Alphonse Brot, Au- gustus Mac-Keat, Vabre, O'Ncddy et Théophile Gautier, le seul écrivain qui soit resté de cette bande de mata- mores. Dédicace, épigraphes, titres, font de ce petit volume un livre curieux à consulter. « Tout meurt! » s'écrie Gérard di.ns une épigraphe. Et M. Jules Janin, dans une autre : « Pauvre bougre! » Un