Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/261

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bet. Aussitôt tous les curieux de Paris courent au danger, qui est l’Enterrement à Ornans ; ils reviennent du Salon et content le scandale à tous ceux qui veulent l’entendre. « Les Barbares sont entrés dans l’exposition, d Ils s’écrient que M. Courbet est le fils de la République démocratique de 1848 ; ils voudraient mettre un crêpe sur l’Apollon du Belvédère ; ils proposent de fermer la salle des antiques. Si on les écoutait, les membres de l’Institut devraient s’asseoir sur leurs fauteuils, comme autrefois les sénateurs sur leurs ebaises curules , et mourir fièrement, frappés par les sabots boueux des sauvages réalistes.

Les habitants d’Ornans frémissent en lisant dans les gazettes qu’ils peuvent être plus tard soupçonnés de complicité avec le monstre, pour avoir prêté un moment leur figure et leurs babits à ses pinceaux. Je comprends la terreur de M. Proudhon, cousin de l’économiste révolutionnaire, substitut du juge de paix, qui ne voyait pas de crime à entrer dans l’atelier du peintre, les babits de deuil bien brossés, en redingote noire et souliers vernis, le chapeau à la main. Marlet le cadet, l’adjoint, qui a fait son droit à Paris, cherebe inutilement à le calmer.

Tête, le maire d’Ornans, un gros homme joyeux, va au café écouter ce que disent ses administrés. Le père Cardet, qui était à l’enterrement en habit marron, en culottes courtes et en bas bleus, court trouver son confrère Secrètan, qui demeure dans la rue de la Péteuse, et ces deux braves vignerons, revenus des affaires de ce monde, qui ne lisent pas les journaux, s’étonnent qu’on fasse tant de bruit à propos du chapeau à cornes de l’un et de l’habit gris de l’autre. Malheureusement, le fils du vi-