Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/264

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absolument sacrer socialiste. Aujourd’hui il est convenu de rechercher si la plume du romancier est entachée de communisme, si la mélodie est saint-simonienne, si le pinceau est égalitaire. Il n’y a pas l’ombre de socialisme dans l’Enterrement à Ornans ; et il ne suffit pas de peindre des casseurs de pierres pour me montrer un vif désir d’améliorer le sort des classes ouvrières.

Ces fantaisies dangereuses tendraient à classer les artistes par partis et à les faire réclamer tantôt par celui-ci tantôt par celui-là. Jamais on ne me persuadera que « Rembrandt était l’élève de Luther. » Impurs mélanges de panthéisme nuageux, de symboliques antithèses et de réalités, quand cesserez-vous de rissoler dans la même casserole et d’empoisonner la jeunesse ?

Cependant, je veux rentrer dans ce puits d’où ne peut sortir la vérité, pour montrer que M. Courbet n’est pas si socialiste qu’on veut le dire. Non pas que je pense le rattacher à un autre parti, ce qui serait aussi fatal au peintre et à ses œuvres futures.

Malheur aux artistes qui veulent enseigner par leurs œuvres, ou s’associer aux actes d’un gouvernement quelconque. Ils peuvent flatter pendant cinq minutes les passions de la foule ; mais ils ne rendent que des actualités.

Si le socialisme n’était au fond qu’une nouvelle forme de libéralisme, c’est-à-dire une sorte d’opposition avec d’autres habits, quelles chances aurait un peintre socialiste ? Son œuvre passerait aussi vite que l’appellation elle-même de la doctrine, déjà moins bruyante que dans les deux premières années de la Révolution.

La peinture pas plus que la musique n’a pour mission d’exposer des systèmes sociaux ; quand la peinture se