Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/34

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faut pas une grande connaissance du terrain parisien pour flairer les dispositions d’un certain groupe qui croit régenter les sentiments de la foule. Une bonne partie des critiques était contre Wagner ; également contre les gens de cinquante ans, qui s’étant battus jadis pour les tentatives romantiques musicales, échappaient fatalement par leur âge et la froideur de leurs aspirations à l’enthousiasme. Ils ne se rendaient pas compte que Wagner apportait ce que M. Berlioz avait peut-être entrevu et cherché. Contre Wagner se faisaient remarquer les faibles, les timides, ceux qui aiment les opinions toutes faites et ceux qui craignent la lutte.

Mais il y avait pour ce terrible groupe indiscipliné, inquiet, impossible à retenir, qu’aucune force ne saurait bâillonner et qui s’élance en avant, cherchant des horizons nouveaux, intrépide comme ces chacals de l’armée d’Italie qui la nuit, rampant sur le ventre, s’avançant toujours, tapis au fond d’un marais, ne craignent pas pour leur vie, escaladent des murailles, apparaissent tout à coup aux yeux de l’ennemi, et terrifient par leur audace les postes avancés.

La vie artistique est un long combat, et on y trouve, comme à la guerre, des êtres qui méprisent la vie et donnent leur sang pour s’emparer d’un drapeau, comme il y a des ambitieux qui ne