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Les Voyages de Champlain.

riuiere de Canadas[1]. Le lendemain, euſmes congnoiſſance de Gachepé[2], terre fort haulte, & commençaſmes à entrer dans la dicte riuiere de Canadas, en rangeant la bande du Su iuſques à Mantanne[3], où il y a, dudict Gachepé, ſoixante-cinq lieuës. Dudict Mantanne, nous vinſmes prendre congnoiſſance du Pic[4], où il y a vingt lieuës, qui eſt à laditte bande du Su ; dudict Pic, nous trauerſaſmes la riuiere iuſques à Tadouſac, où il y a quinze lieuës. Toutes ces dittes terres ſont fort haultes éleuées, qui ſont ſterilles, n’apportant aucune commodité.

Le 24. dudict mois, nous vinſmes mouiller l’ancre deuant Tadouſac[5], & le 26. nous entraſmes dans le dict port qui eſt faict comme vne anſe, à l’entrée de la riuiere du Sagenay, où il y a vn courant d’eau & marée fort eſtrange pour ſa viteſſe & profondité, où quelques fois il vient des vents impetueux[6] à cauſe de la froidure qu’ils amenent auec eux. L’on tient que laditte riuiere a quelque quarante-cinq

  1. Le fleuve Saint-Laurent.
  2. Ou Gaspé. Suivant M. l’abbé J.-A. Maurault, ce nom serait une contraction du mot abenaquis « Katsepi8i, qui est séparément, qui est séparé de l’autre terre. » On sait, en effet, que le Forillon, aujourd’hui miné par la violence des vagues, était un rocher remarquable séparé du cap de Gaspé.
  3. Ou Matane. Jean Alphonse l’appelle rivière de Caën.
  4. Le Bic. Au temps de Jean Alphonse, on l’appelait Cap de Marbre. Jacques Cartier, en 1535, avait donné au havre du Bic le nom d’Isleaux Saint-Jean, parce qu’il y était entré le jour de la Décollation de saint Jean.
  5. Le P. Jérôme Lalemant (Relation 1646) dit que les sauvages appelaient Tadoussac Sadilege ; d’un autre côté, Thévet, dans son Grand Insulaire, affirme que les sauvages de son temps appelaient le Saguenay Thadoyſeau. Il est probable qu’à ces diverses époques, comme encore aujourd’hui, on prenait souvent l’un pour l’autre. Ce qui est sûr, c’est que ces deux noms sont sauvages : Tadoussac ou Tadouchac, veut dire mamelons, (du mot totoucbac, qui en montagnais veut dire mamelles), et Saguenay signifie eau qui sort (du montagnais saki-nip).
  6. La copie originale portait probablement « importuns ». Lescarbot, qui reproduit ce voyage à peu près textuellement, a mis : « des vents impetueux leſquels amenent avec eux de grandes froidures. »