Page:Champlain - Oeuvres de Champlain publiées sous le patronage de l'Université Laval, Tome 2, 1870.djvu/23

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ioyeuſe ; ils rient le plus ſouuent ; toutes fois ils ſont quelque peu ſaturniens. Ils parlent fort pozément, comme ſe voullant bien faire entendre, & s’arreſtent auſſi toſt, en ſongeant vne grande eſpace de temps, puis reprennent leur parolle. Ils vſent bien ſouuent de ceſte façon de faire parmy leurs harangues au conſeil, où il n’y a que les plus principaux, qui ſont les anciens ; les femmes & enfants n’y aſſiſtent poinct.

Tous ces peuples patiſſent tant quelques fois, qu’ils ſont preſque conſtraints de ſe manger les vns les autres, pour les grandes froidures & neiges, car les animaux & gibier dequoy ils viuent ſe retirent aux pays plus chauts. Ie tiens que qui leur monſtreroit à viure, & enſeigneroit le labourage des terres & autres choſes, ils l’apprendroient fort bien ; car ie vous aſſeure qu’il s’en trouue aſſez qui ont bon iugement, & reſpondent aſſez bien à propos ſur ce que l’on leur pourroit demander. Ils ont vne meſchanceté en eux, qui eſt uſer de vengeance, & eſtre grands menteurs, gens en qui il ne fait pas trop bon s’aſſeurer, ſinon qu’auec raiſon & la force à la main ; promettent aſſez, & tiennent peu.

Ce ſont la plus part gens qui n’ont point de loy, ſelon que i’ay pû veoir & m’informer audict grand Sagamo, lequel me dict qu’ils croyoient véritablement qu’il y a vn Dieu, qui a créé toutes choſes. Et lors ie luy dy : Puiſqu’ils croyoient à vn ſeul Dieu, comment eſt-ce qu’il les auoit mis au monde, & d’où ils eſtoient venus ? Il me reſpondit : « Après que Dieu eut fait toutes choſes, il print quantité de fleſches, & les meit en terre ; d’où il ſor-