Page:Champlain - Oeuvres de Champlain publiées sous le patronage de l'Université Laval, Tome 2, 1870.djvu/22

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ne bougent d’vn lieu en danſant, & font quelques geſtes & mouuemens du corps, leuans vn pied, & puis l’autre, en frappant contre terre. Or, en faiſant ceſte danſe, le Sagamo des Algoumequins, qui s’appelle Befouat[1], eſtoit aſſis deuant leſdittes femmes & filles, au millieu de deux baſtons où eſtoient les teſtes de leurs ennemis pendues ; quelques fois il ſe leuoit, & s’en alloit haranguant & diſant aux Montagnés & Eſtechemins : « Voyez comme nous nous reſiouïſſons de la victoire que nous auons obtenuë ſur nos ennemis : il faut que vous en faſſiez autant, affin que nous ſoyons contens. » Puis tous enſemble diſoient, ho, ho, ho. Retourné qu’il fut en ſa place, le grand Sagamo auecque tous ſes compaignons deſpouillerent leurs robbes, eſtans tous nuds hormis leur nature, qui eſt couuerte d’vne petite peau, & prindrent chaſcun ce que bon leur ſembla, comme matachias, haches, eſpées, chauldrons, graiſſes, chair d’orignac, loup-marin, bref chaſcun auoit vn preſent, qu’ils allerent donner aux Algoumequins. Aprés toutes ces ceremonies, la danſe ceſſa, & leſdiets Algoumequins, hommes & femmes, emportèrent leurs preſens dans leurs cabannes. Ils feirent encore mettre deux hommes de chacune nation des plus diſpos, qu’ils feirent courir, & celuy qui fut le plus viſte à la courſe eut vn preſent.

Tous ces peuples font tous d’vne humeur aſſez

  1. Probablement le même que Tessouat, grand sagamo des Algonquins de l’Isle ou Kichesipirini. Quelques années plus tard, en 1613, ce chef accueille l’auteur comme une vieille connaissance ; et cependant ils n’avaient pas dû se rencontrer depuis 1603 ; car on ne voit pas que Tessouat ait pris part aux expéditions contre les Iroquois, ni qu’il soit descendu à la traite en 1611. D’ailleurs, dans un manuscrit, tesouat peut très-bien se prendre pour besouat.