Le mercredy, 24. iour[1] dudict mois, nous partiſmes dudict Saincte Croix, où nous retardaſmes vne marée & demye, pour le lendemain pouuoir paſſer de iour, à cauſe de la grande quantité de rochers qui ſont au trauers de laditte riuiere, (choſe eſtrange à veoir) qui affeiche preſque toute de baſſe mer. Mais à demy flot, l’on peut commencer à paſſer librement ; toutesfois il faut y prendre bien garde, auec la ſonde à la main. La mer y croiſt prés de trois braſſes & demye.
Plus nous allions en auant, & plus le pays eſt beau. Nous fuſmes à quelques cinq lieuës & demye mouiller l’ancre à la bande du Nort. Le mercredy enſuyuant, nous partiſmes de cedict lieu, qui eſt pays plus plat que celuy de deuant, plein de grande quantité d’arbres, comme à Saincte Croix. Nous paſſaſmes prés d’vne petite iſle, qui eſtoit remplye de vignes, & vinſmes mouiller l’ancre à la bande du Su, prés d’vn petit coſteau ; mais, eſtant deſſus, ce ſont terres vnies. Il y a vne autre petite iſle[2], à trois lieuës de Saincte Croix, proche de la terre du Su. Nous partiſmes le ieudi enſuyuant dudict coſteau, & paſſaſmes prés d’vne petite iſle,
- ↑ Le 24 était un mardi, et le contexte fait voir suffisamment qu’on était au mardi.
- ↑ Cette île ne peut être que celle à laquelle il donna plus tard le nom de Richelieu, et que l’on a appelée simplement île de Sainte-Croix jusqu’en 1633. « Ce meſme iour » (3 juin 1633), dit le Mercure français, t. XIX, p. 822, « le ſieur de Champlain partit pour aller à Saincte Croix faire porter des commoditez, pour édifier vne cabanne à faire la traitte, y arriua le iour enſuyuant, & le dimanche 5. de iuin alla recognoiſtre
rêts de celui-ci, enchérit encore sur ce passage, et ajoute : « ny autre après luy qu’en ce voyage. » Mais Champlain était trop bon observateur pour ne pas concevoir quelques doutes sur la vérité de ces faits, « ne voyant, comme il dit, apparence de riuiere pour mettre vaiſſeaux » (édit. 1613, liv. II, ch. IV). Aussi prouve-t-il, au même endroit, que Cartier n’a pu hiverner ailleurs que dans la rivière Saint-Charles. Au reste il n’a pas pu s’imaginer qu’il était le premier à remonter le fleuve au-dessus de Sainte-Croix, comme l’insinue Lescarbot, puisqu’il était avec Pont-Gravé, qui connaissait les Trois-Rivières depuis au moins cinq ou six ans.