Page:Champsaur - Homo-Deus, Ferenczi, 1924.djvu/26

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sait une branche de seringa, et l’odeur entêtante de ses fleurs mêlés à la senteur des pins, embaumait la brise vespérale qui se glissait en bruissant sous les feuilles des arbres.

L’auto du docteur Marc Vanel traversa cette nature en liberté. Elle passa sous les branches séculaires d’où tombaient des brindilles de bois mort, côtoya un bassin à l’eau glauque couverte de nénuphars, frôla, dans un virage, de superbes arums aux calices immaculés, puis déboucha dans une clairière au milieu de laquelle s’érigeait la maison — Délabrée, d’aspect sauvage, comme le parc. Les murs étaient décrépis par endroits, les volets avaient perdu leur peinture et, dans un coin, près du toit, un bout de gouttière cassée pendait lamentablement.

C’était morne, triste, mais infiniment délicieux. Car cette maison en ruines, ce parc à l’abandon, cette végétation folle et splendide comme un morceau de forêt vierge, à quelques minutes de Paris, — de Paris, dont la masse grise et trapue apparaissait de-ci, de-la, par une échappée entre les branches, — tout donnait l’illusion d'’un pays lointain, chimérique, où la civilisation serait venue, un jour, mais dont elle se serait retirée, vaincue peut-être par l’indomptabilité des rêves.

Au-dessus du logis, un belvédère se profilait dans le ciel, comme une lanterne de phare : c’était une cage de verre de forme octogonale, couverte d’un dôme de cuivre verdi — et ceinturée d’une galerie légère sur laquelle donnaient accès les portes de deux pans coupés.

Comme l’auto s’arrêtait devant la demeure, où nulle vie ne semblait se manifester, un être énigmatique, un dieu lare, parut en haut du perron. Au seuil d’une maison pareille, il évoquait l’idée d’un fantôme, d’un revenant d’autrefois, valet d’une époque défunte, car on ne pouvait croire qu’un tel logis fût habité.

— Frédéric, dit le professeur Fortin, il y aura deux personnes de plus à dîner. As-tu le nécessaire ?...