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couverture de la partition est ici une profession de foi —, étincelants de reflets et de caprices, montrent parfois un peu de cette manière qui guette vite, en tout ordre, la virtuosité[1]. Le Prélude à l’après-midi d’un faune donne l’impression la plus raffinée d’une atmosphère frémissante, et nous aurons l’occasion d’y revenir. Mais Debussy eût été le premier s’inscrire en faux contre la qualification de « poème symphonique », si l’on avait prétendu l’appliquer à quelqu’une de ces œuvres. Avec lui, le poème symphonique achève de s’émietter en poudre d’or.

Des œuvres, d’ailleurs très colorées, vibrantes et sensibles, comme celles d’Albeniz ou de Falla en Espagne et, à un moindre degré d’éclat, en Italie, les Fontaines de Rome et les Pins de Rome de Respighi, sont des tableaux musicaux, mais pas du tout des « poèmes symphoniques ».

Vous « dansiez » : j’en suis fort aise ;
Eh bien ! « chantez » maintenant.

La « dansomanie[2] », qui s’est déchaînée sur le monde et singulièrement sur Paris depuis 1900, avec la danseuse esthète Isadora Duncan, les ballets russes de Serge de Diaghilev[3] et leur séquelle internationale, où ne figurent hélas ! que trop notre Académie « nationale » et, à sa suite, l’Opéra-comique, a confondu les choses et brouillé les notions.

Quand Isadora Duncan assaisonnait de ses épaisses

  1. Les Images, qui présentent le même caractère superficiel — au sens le moins péjoratif du terme — sont d’une moindre valeur.
  2. C’est le titre d’un ballet qui faisait fureur à l’Opéra, dans le premier tiers du xixe siècle.
  3. À propos d’un petit article où, à la mort de Diaghilev, j’avais essayé de définir son rôle, Paul Dukas, dont les boutades avaient souvent plus de sens et de fond que celles de Debussy ou de Ravel, me disait un jour de ce célèbre impresario (auquel il devait pourtant la commande de la Péri) : « Il a tué la musique pour cinquante ans. »