Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
DE LA NOUVELLE-FRANCE

et demandait des ordres pour les années suivantes. Quant à l’or et à l’argent, Talon laissait cependant entrevoir quelque scepticisme.

Il abordait ensuite une grosse question : était-il de l’intérêt du pays d’en laisser le domaine et la propriété à la compagnie des Indes Occidentales ? L’intendant dévoilait hardiment sa pensée et opinait courageusement pour la négative. Nous disons courageusement, car il n’ignorait pas la faiblesse paternelle de Colbert pour cette société commerciale, née de son initiative. Quelles étaient les raisons de Talon ? Il les développait comme suit : « Je dis que si le motif qui a déterminé Sa Majesté à faire cette cession à la dite compagnie a été d’augmenter les profits pour lui donner d’autant plus de moyens de soutenir ses premières dépenses, augmenter le nombre de ses vaisseaux et faire un grand commerce utile à son état, sans avoir pour objet l’étendue des habitations de ce pays et la multiplication de ses colons, il est à mon sens plus utile au roi de laisser à la dite compagnie cette propriété sans aucune réserve. Mais si elle a regardé ce pays comme un beau plan dans lequel on peut former un grand royaume et fonder une monarchie ou du moins un état fort considérable, je ne puis me persuader qu’elle réussisse dans son dessein, laissant en d’autres mains que les siennes la seigneurie, la propriété des terres, la nomination aux cures et adjoints, même le commerce qui fait l’âme de l’établissement qu’elle prétend. Ce que j’ai vu jusqu’ici depuis mon arrivée m’a bien persuadé ce que j’avance puisque, depuis que les agents de la compagnie ont fait entendre qu’elle ne souffrirait aucune liberté de commerce, non seulement aux Français qui avaient cou-