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DE LA NOUVELLE-FRANCE

Talon un grand sens politique. Malheureusement, elle ne fut pas suivie. Louis XIV convoitait, à cette heure, des agrandissements moins lointains.

Ce n’était pas la première fois que le roi et son ministre mettaient de côté les vues de Talon, malgré l’estime et la considération qu’ils avaient pour lui. Il avait reçu dans le cours de l’été une longue lettre de Colbert, datée du 5 avril 1666, en réponse à ses dépêches et communications de l’automne précédent. Et cette lettre contenait plusieurs passages dont l’objet était de couper un peu les ailes aux ambitieux espoirs de l’intendant pour le Canada. On se rappelle que Talon, dans son mémoire du 4 octobre 1665, avait laissé entrevoir la possibilité de faire de la Nouvelle-France « un état fort considérable » sinon « un grand royaume. » À cela Colbert répondait : « Le roi ne peut convenir de tout le raisonnement que vous faites sur les moyens de former du Canada un grand et puissant état, y trouvant divers obstacles qui ne sauraient être surmontés que par un très long espace de temps, parce que, quand même il n’aurait pas d’autre affaire et qu’il pourrait employer et son application et sa puissance à celle-là, il ne serait pas de la prudence de dépeupler son royaume, comme il faudrait faire, pour peupler le Canada. Outre cette considération qui vous paraîtra essentielle, il y en a encore une autre à faire qui est que, si Sa Majesté y faisait passer un plus grand nombre d’hommes que celui que le pays qui est à présent défriché pourrait nourrir, il est certain que s’ils ne périssaient tous d’abord, au moins souffriraient-ils de grandes extrémités, qui les réduisant en des langueurs continuelles, ils s’affaibliraient petit à petit, et qu’outre les incommodités qu’ils endureraient eux-