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JEAN TALON, INTENDANT

mêmes ils en porteraient aux anciens habitants, qui, sans cette augmentation de colons, vivraient de leur travail et de la culture de leurs terres. Vous connaîtrez assez par ce discours que le véritable moyen de fortifier cette colonie est d’y faire régner la justice, d’y établir une bonne police, de bien conserver les habitants, de leur procurer la paix, le repos et l’abondance, et de les aguerrir contre toutes sortes d’ennemis, parce que toutes ces choses, qui sont les bases et les fondements de tous les établissements, étant bien observées, le pays se peuplera insensiblement, et avec la succession d’un temps raisonnable, pourra devenir fort considérable, d’autant plus qu’à proportion que Sa Majesté aura plus ou moins d’affaires au dedans de son royaume, elle lui donnera les assistances qui seront en son pouvoir[1]. »

En écrivant ces lignes, Colbert sacrifiait à la fois à une préoccupation transitoire et à un préjugé permanent. La France venait de déclarer la guerre à l’Angleterre, et quoique apparemment les hostilités ne dussent pas être de longue durée, on ne savait au juste à quels efforts cela pouvait la conduire. De là un temps d’arrêt visible dans l’activité colonisatrice du gouvernement. D’autre part, bien des gens en ce siècle estimaient que les colonies lointaines étaient une cause d’affaiblissement pour la mère-patrie[2]. Colbert n’appartenait pas à cette école. Mais ses vastes desseins pour le développement

  1. Colbert à Talon, 5 avril 1666 ; Nouvelle-France, Documents historiques, Québec, 1893.
  2. — Le grand ministre de Henri IV, Sully, était un de ceux-là. Nous empruntons à la savante monographie de M. Joseph-Edmond Roy, sur la seigneurie de Lauzon, la citation suivante des Mémoires de cet administrateur éminent : « Je mets au nombre des choses faites contre mon opinion, la