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DE LA NOUVELLE-FRANCE

ner et mettre aux fers un habitant appelé André Demers, puis l’avait condamné à subir la torture du cheval de bois avec des poids de cent vingt livres aux pieds. Le crime de Demers était d’avoir voulu l’empêcher de chasser à travers ses blés et de ruiner sa moisson. La Frédière faisait de plus ouvertement la traite de l’eau-de-vie avec les sauvages, et joignait le dol au mépris des lois en ajoutant une proportion d’eau considérable aux boissons alcooliques troquées contre leurs pelleteries.

Tous ces faits furent portés à la connaissance de Talon quand il fit sa visite de la ville et des côtes. Et son esprit de justice ne se laissa point arrêter par le grade et la haute situation du coupable. « Indigné d’une conduite si atroce, écrit M. Faillon, et voulant délivrer la colonie d’un homme si dangereux, M. Talon exposa ses griefs à M. de Tracy, qui, en qualité de chef de l’armée, ordonna au sieur de la Frédière de repasser en France[1]. » Cet ordre fut signé à Québec par MM. deTracy, de Courcelle et Talon, le 27 août 1667[2]. La Frédière voulut recourir à son supérieur hiérarchique, — qui était en même temps son oncle, — le colonel de Salières. Celui-ci, croyant voir un empiètement sur son autorité, le prit de très haut. Le 12 septembre il écrivit à l’intendant une lettre dans laquelle il se plaignait amèrement des procédés de MM. de Tracy et de Courcelle. — Il omettait diplomatiquement M. Talon, et n’at-

  1. — Histoire de la colonie française., Faillon, vol. III, p. 385 et suivantes.
  2. — « Copie de l’ordre de MM. Tracy, Courcelle et Talon, remis au sieur de la Frédière, par lequel il lui est enjoint, sur les plaintes nombreuses des habitants contre lui, de retourner en France. » (Richard, Supplément au rapport sur les archives, 1899, p. 52).