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JEAN TALON, INTENDANT DE LA NOUVELLE-FRANCE

taquait que le lieutenant-général et le gouverneur, sans doute parce que ceux-ci avaient agi comme chefs militaires. Suivant lui, ils n’avaient pas le droit d’agir ainsi envers un officier de son régiment. Hors de France, lui seul comme colonel pouvait, à moins d’ordres exprès du roi, juger les délits de cette nature.

Sur réception de cette lettre, Talon voulant faire paraître l’équité de la mesure prise contre l’indigne officier, ordonna au lieutenant civil et criminel de Montréal de tenir une information sur les accusations portées contre lui. Les preuves furent accablantes, comme on peut le constater en consultant les vieilles archives de Villemarie. En dépit de l’intervention de son colonel, La Frédière dut s’embarquer, bien heureux encore de ne pas subir une punition plus sévère. Le 29 octobre 1667, Talon, écrivant à Colbert au sujet de ce capitaine, disait : « Il ne voulait pas obéir, appuyé de M. de Salières, son oncle, qui, par son chagrin et sa mauvaise humeur, nous donne ici beaucoup de peine et nous fait de grands obstacles aux établissements que vous m’ordonnez de faire en faveur des officiers et soldats… Du jugement que le roi portera sur cet officier (La Frédière ) dépend la sûreté et le maintien du Canada et le maintien de l’autorité des supérieurs qui se trouvent dans des pays aussi éloignés[1]. »

Cet exemple éclatant dut démontrer à tous que, sous l’intendance de Talon, les criminels puissants n’étaient point à l’abri de la justice, et que les faibles et les humbles pouvaient compter sur la protection du pouvoir.

  1. — Arch. féd., Canada, corr. gén. vol. II. — Talon à Colbert, 29 octobre 1667.