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DE LA NOUVELLE-FRANCE

traite de l’eau-de-vie comprenaient mieux que ses partisans les véritables intérêts du Canada.

Cette grave question divisa et troubla pendant longtemps la société canadienne. Les autorités religieuses, frappées des maux et des crimes qui découlaient de la vente des boissons enivrantes aux sauvages, faisaient d’énergiques efforts pour obtenir la restriction la plus sévère, sinon la prohibition de ce commerce meurtrier. Elles parlaient au nom de la morale publique, au nom de l’honneur national, au nom de l’humanité et de la loi divine. Les autorités civiles, plus préoccupées de certains avantages politiques et financiers que de la question de principe, opinaient pour la tolérance, voire même pour l’exploitation de la traite de l’eau-de-vie. De là des conflits et des luttes qui se sont répercutés jusqu’à travers les pages de notre histoire.

On regrette de voir Talon figurer parmi les partisans du commerce libre des boissons enivrantes. Nous avons dit qu’il hésita au début. Les arrêts rendus par le Conseil en 1667 avec sa coopération, nous semblent l’indiquer. Mais son désir de voir le commerce du Canada se développer, la prospérité de la colonie s’accroître, sa population augmenter, ses finances devenir prospères, le zèle impatient dont il était animé pour le progrès économique de la Nouvelle-France, obscurcirent son jugement, mirent en défaut sa clairvoyance, lui dissimulèrent les conséquences désastreuses et l’abusèrent quant aux résultats avantageux de la traite. Cette préoccupation trop exclusive, jointe à ses fâcheux préjugés relativement à l’action du pouvoir spirituel, lui fit commettre l’erreur capitale de sa vie. Car c’est à lui qu’il faut attribuer le trop célèbre arrêt rendu par le