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JEAN TALON, INTENDANT

Conseil Souverain, le 10 novembre 1668[1]. Sa première intendance était virtuellement terminée ; son successeur, M. de Bouteroue, était présent, ainsi que Mgr  de Laval. M. de Courcelle présidait la séance, et Talon y assistait comme intendant sortant de charge. Mais son esprit dominait l’assemblée. Après un long préambule embarrassé, où il était dit que le meilleur moyen de remédier aux désordres causés par la trop grande quantité d’eau-de-vie, fournie aux sauvages par les Français au mépris des ordonnances, était « d’admettre la liberté aux dits sauvages d’en user à l’instar des Français afin de les introduire par là dans la société des plus honnêtes gens, plutôt que de les voir exposés à vivre dans les bois où les libertins, gens sans aveu et fainéants abandonnant leurs cabanes et leurs travaux ordinaires qui est la culture de la terre, les y vont trouver pour les corrompre et enlever par cette voie la meilleure partie de leur chasse, » après toutes ces laborieuses précautions oratoires inspirées par le désir de pallier la pitoyable résolution qu’on allait prendre, le Conseil, par provision et sous le bon plaisir de Sa Majesté, permettait à « tous

  1. — En 1677, Colbert, discutant avec M. Dudouyt, représentant de Mgr  de Laval, sur cette question de la traite de l’eau-de-vie, et invoquant l’opinion de M. Talon en faveur de ce commerce, reçut cette réponse, rapportée par M. Dudouyt lui-même : « Je lui dis que M. Talon était cause de la peine dans laquelle nous nous trouvions présentement, d’autant qu’un jour étant prêt de mettre le pied dans le vaisseau pour passer en France, il fit lever toutes les peines et les ordonnances desquelles la justice et ceux qui avaient eu l’autorité en main s’étaient servis pour réprimer les désordres qui étaient causés par la trop grande quantité de boisson que l’on baillait aux sauvages. » (Archives canadiennes, 1885, pp. XCVIII, XCIX).