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DE LA NOUVELLE-FRANCE

On verra les abus par ta main réformés ;
La licence et l’orgueil en tous lieux réprimés ;
Du débris des traitants ton épargne grossie ;
Des subsides affreux la rigueur adoucie ;
Le soldat dans la paix sage et laborieux ;
Nos artisans grossiers rendus industrieux :
Et nos voisins frustrés de ces tribus serviles
Que payait à leur art le luxe de nos villes.
Tantôt je tracerai tes pompeux bâtiments,
Des loisirs d’un héros nobles amusements.
J’entends déjà frémir les deux mers étonnées
De voir leurs flots unis aux pieds des Pyrénées.
Déjà de tous côtés la chicane aux abois
S’enfuit au seul aspect de tes nouvelles lois[1].


Ces poétiques éloges s’adressaient au roi sans doute, car rien ne se faisait sans lui, et il ordonnait tout lui-même. Mais ils contenaient aussi une véritable esquisse de l’œuvre de Colbert. Les procédures de la chambre de justice, les édits pour réformer le luxe, la

  1. — Dans une édition des œuvres de Boileau publiée en 1718 par Brossette, l’ami et le correspondant du poète durant les douze dernières années de la vie de ce dernier, nous lisons la note suivante : « Après le traité d’Aix-la-Chapelle, conclu au mois de mai 1668, la France jouissait d’une heureuse paix. Mais la précédente guerre n’ayant duré qu’un peu plus d’une année, la valeur de la nation n’était point satisfaite, et la plupart des Français ne respiraient que la guerre. M. Colbert seul en détournait le roi : disant que la paix était l’unique moyen de faire fleurir les arts et les sciences et de maintenir l’abondance dans le royaume. Ce fut pour seconder les intentions de ce grand ministre que notre auteur composa cette pièce (l’Épître an roi), dans laquelle il entreprend de louer le roi comme un héros paisible, en faisant voir qu’un roi n’est ni moins grand, ni moins glorieux dans la paix que dans la guerre. Cette épître fut faite en 1669 et ce fut Madame de Thiange qui la présenta au roi. »