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DE LA NOUVELLE-FRANCE

et le ministre à ordonner le départ de trois Récollets pour la Nouvelle-France.

Le 15 mai, le roi adressa au Père Allart, provincial des Récollets de la province de St-Denis, une lettre de cachet lui enjoignant de donner obédience aux pères Herveau, Romuald et Hilarion, du couvent de Paris, pour s’embarquer sur le premier vaisseau[1]. Les bons Franciscains reçurent avec joie cet ordre qui comblait leurs vœux longtemps contrariés. Mais si la vivacité de leurs désirs les eût laissés libres de bien saisir la situation, leur satisfaction n’eût pas été sans mélange. Ils auraient compris que leur retour en Canada s’opérait dans de fâcheuses conditions, et que, pour des religieux, être envoyés dans un pays par la puissance séculière, afin d’y affaiblir l’autorité épiscopale, d’y ruiner la discipline ecclésiastique, d’y ériger confessionnal contre confessionnal et chaire contre chaire, d’y être en un mot les tenants de l’État contre l’Église, ce n’était pas précisément l’idéal. Ce fut un grand malheur pour les Récollets que de se prêter à l’entreprise gallicane de Louis XIV, de Colbert et de Talon. Nous ne voulons pas dire qu’ils auraient pu refuser de venir au Canada en 1669. Devant la lettre de cachet du roi, cela leur eût été difficile. Mais leur faute fut d’entrer dans l’esprit de ceux qui les envoyaient, et de correspondre à leur attente.

En effet, peu de temps après leur arrivée ici[2], on

  1. Histoire chronologique de la Nouvelle-France, par le P. Sixte Le Tac, p. 182.
  2. — Les Récollets arrivés en 1670 ne doivent pas être confondus avec ceux qui les suivirent. M. l’abbé de Latour a écrit à leur sujet : « C’étaient de bons religieux, qui furent unis au clergé ; le caractère de leurs successeurs fut bien différent. »