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JEAN TALON, INTENDANT

saluer le retour depuis quelques années. Mais nous savons qu’en signalant l’erreur de quelques religieux, et les ombres passagères d’une époque, nous ne portons pas atteinte à la gloire de cet ordre admirable, ni à l’auréole de ces milliers d’amants de la pauvreté et de l’humilité qui ont promené à travers le monde la flamme du divin amour jaillie du cœur de leur père séraphique. Lorsque M. de Frontenac, qui fut pour eux un dangereux protecteur et un pernicieux ami, fut disparu de la scène, les Récollets canadiens rentrèrent dans l’esprit et dans les traditions de leur ordre. « Ils s’assimilèrent de plus en plus avec le reste du clergé, se soumirent parfaitement à la direction de l’évêque, et produisirent par leur ministère d’heureux fruits de salut… Par leur vie pieuse et régulière, leurs habitudes simples et frugales, ils acquirent bientôt l’estime de tout le monde, et devinrent très populaires en Canada. Vivant de quêtes, allant de famille en famille, parcourant les campagnes à des époques à peu près déterminées, ils étaient reçus partout à bras ouverts. Leur visite était attendue avec impatience, comme un jour de fête. On avait hâte de revoir ces bons moines, à la robe de bure, au visage serein et réjoui, à l’humeur toujours égale, qui reflétait si bien la simplicité de leur âme. Ils étaient les favoris du peuple canadien[1]. »

Le retour des Récollets au Canada était une des choses auxquelles tenait le plus M. Talon. Lorsqu’elle fût réglée, il put se dire qu’il avait réussi dans tous ses projets. Colbert désirait le voir partir le plus tôt possi-

  1. Vie de Mgr de Laval, par l’abbé Auguste Gosselin, vol. II, p. 108.