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JEAN TALON, INTENDANT

remettre assez vite pour s’embarquer. Talon le recommanda chaleureusement à Colbert : « Cet officier, écrivit-il à ce dernier, a tant témoigné de zèle et tant pris de fatigues sur lui pour se rendre utile au service du roi, que je me sens obligé de vous supplier très humblement, Monseigneur, de lui procurer quelque petit établissement ici ou dans l’Acadie où il peut utilement travailler à faire exploiter des bois si vous en voulez tirer ou si vous y voulez faire bâtir. Il a une de ses filles ici et une autre en France avec sa femme qu’il est dans le dessein de faire passer s’il juge y pouvoir subsister[1]. » Saint-Lusson avait fait une rude année. Parti de Québec en septembre 1670, il s’était rendu par terre et par eau, à travers portages et rapides, jusqu’aux rives lointaines du Michigan. Puis à peine de retour, dans l’été de 1671, il s’était acheminé vers l’Acadie, endurant des fatigues et des privations excessives. Enfin, comme couronnement, il s’embarquait pour une pénible traversée, dans la saison la plus rigoureuse[2] ! Ah ! les Canadiens d’autrefois étaient virilement trempés !

  1. Ibid, p. 216.
  2. — « M. de Saint-Lusson s’embarqua pour la France cette année même sur le St-Jean-Baptiste, et arriva à Dieppe, le 10 janvier 1672. Il conduisait avec lui un orignal vivant, âgé d’environ six mois, un renard et douze grandes outardes qu’il s’empressa d’aller présenter au roi. Ce navire, qui était de trois cents tonneaux, portait dix mille livres de castor, valant alors quatre francs et demi la livre, quatre cents peaux d’orignaux, diverses pierres, du bois, de la poix, et beaucoup d’autres productions du pays. » (Antiquités et chronique de la ville de Dieppe, par Asseline ; manuscrit de la bibliothèque de Dieppe, années 1671-72, cité par l’abbé Faillon, Histoire de la colonie française, III, p. 308).