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DE LA NOUVELLE-FRANCE

dans les vues, de la hardiesse dans les conceptions, de la persévérance dans les desseins, de la fidélité dans les amitiés, de l’intrépidité dans les résolutions et les actes ; mais, en même temps, de la violence dans le caractère de la vanité dans les prétentions, de l’obstination dans les préjugés, de l’injustice dans les jugements, de la petitesse dans les procédés, de l’âcreté dans les rancunes. Sa nature forte et complexe offrait d’étranges contrastes. Il mériterait à un égal degré la critique et l’éloge, si l’héroïsme avec lequel, au déclin de sa vie tourmentée, il chassa l’invasion du sol sacré de la patrie, ne le couronnait d’une auréole qui dissimule, sans les effacer, les fautes de sa carrière. Aux yeux de la foule, Frontenac apparaît toujours dans l’attitude épique où le bronze d’Hébert l’a saisi et fixé à jamais : l’éclair au regard, le défi aux lèvres, le geste foudroyant, il répond aux sommations insolentes des envahisseurs « par la bouche de ses canons. » Et, au milieu du décor grandiose de Québec assiégé et délivré, il s’impose de haute lutte à l’admiration de la postérité. Figure originale et saisissante, dont les traits énergiquement accentués se détachent avec un puissant relief parmi le groupe de nos administrateurs illustres !

Le nouveau gouverneur arriva à Québec au commencement du mois de septembre 1672. Talon recevait en même temps une lettre de Colbert datée du 4 juin, dans laquelle ce dernier lui disait : « Vous recevrez par votre secrétaire votre congé, et ainsi vous ne demeurerez en Canada que jusqu’au mois de septembre ou d’octobre ; mais vous devez observer d’y demeurer le plus tard que vous pourrez, afin que vous y puissiez donner tous les ordres nécessaires et même en main-