Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
JEAN TALON, INTENDANT

rempli un rôle utile, et même, à notre sens, ils étaient infiniment supérieurs à l’industrie suspecte de ces spéculateurs de bas aloi qui s’occupent aujourd’hui de terrains aux États-Unis. Plus tard, comme toute chose vieillie, hors de service, ce mécanisme seigneurial est devenu sans profit et nuisible même aux transactions sociales. Mais il en est ainsi de toutes les institutions ; chacune a son utilité propre à l’époque et aux circonstances qu’elle a été appelée à desservir… Les seigneurs du Canada, loin d’être un mal, furent une dérogation utile au système de l’omnipotence de l’État, et une heureuse intervention de l’activité individuelle ; un gouvernement intelligent et soigneux aurait pu et aurait dû en tirer un parti plus considérable. Il eût fallu les multiplier en excitant en France, par des encouragements d’argent, d’honneurs, etc., etc., quelques particuliers puissants à prendre des concessions et à porter au Canada des capitaux et des hommes. L’institution seigneuriale eût été alors un des plus puissants véhicules du peuplement, comme elle fut un des plus utiles agents de la colonisation[1]. » Nous souscrivons de tout cœur à ce jugement porté par un homme qui avait longuement étudié la question.

Les obligations du seigneur envers la couronne n’étaient point lourdes. Il devait rendre foi et hommage pour son fief, et fournir un état appelé aveu et dénombrement, c’est-à-dire une description de tout ce qui était contenu dans ce fief, du manoir, du domaine réservé, une indication des cens, rentes et autres redevances, et de la somme à laquelle ils pouvaient s’élever annuelle-

  1. La France aux colonies, pp. 111, 112.