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JEAN TALON, INTENDANT

courage, son énergie, son intégrité de caractère, son dévouement au bien public. Après avoir défendu victorieusement la bourgade des Trois-Rivières contre une armée iroquoise en 1653, il avait exercé les fonctions de gouverneur de ce poste durant plusieurs années. M. Boucher était accrédité par des lettres de M. d’Avaugour, gouverneur de la Nouvelle-France. Il devait exposer au roi, d’une part, l’état presque désespéré de la colonie, la ruine dont elle était menacée par l’hostilité des cantons iroquois, les secours urgents dont elle avait besoin en armements et en hommes, de l’autre, ses ressources, ses richesses naturelles, et les avantages qu’elle offrirait pour la colonisation et le commerce, si par un décisif effort on écrasait ses ennemis implacables.

Ce qui montre combien était réelle et sérieuse l’application de Louis XIV aux affaires, c’est que Pierre Boucher le vit en personne et put l’entretenir longuement de sa mission. Ce fils d’un métayer, cet ancien commis d’une société de marchands[1], pouvait faire bonne figure au Canada ; mais, quoique récemment anobli, il devait paraître un bien mince personnage, à la cour, dans les antichambres royales, parmi les grands seigneurs, les hauts dignitaires et les officiers de la couronne. Cependant, l’humble député de la pauvre petite nation canadienne ne fut pas renvoyé de bureau en bureau, de secrétaire en secrétaire. Il fut reçu par le monarque qui fixait les regards de toute l’Europe, et qui, au milieu des plaisirs les plus enivrants et des fêtes les plus éblouissantes, roulait déjà dans sa pensée de

  1. — Son père, Gaspard Boucher, avait été fermier des jésuites à Beauport, et lui-même avait été commis des Cent-Associés aux Trois-Rivières.