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Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/49

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DE LA NOUVELLE-FRANCE

vastes et ambitieux projets. Louis XIV l’écouta, l’interrogea, voulut se renseigner sur cet embryon de peuple jeté au milieu des forêts de l’Amérique septentrionale, comme une sentinelle perdue de la civilisation française. L’entretien n’eut rien de superficiel. Le roi posa des questions précises ; il demanda, par exemple, si le pays était fécond en enfants. Pierre Boucher, plein de son sujet, fournit des informations complètes ; il montra l’avenir glorieux réservé à la Nouvelle-France si le roi qui venait de donner la paix à l’Europe voulait simplement châtier quelques peuplades barbares. Louis XIV se détermina dès lors à secourir le Canada et promit des troupes pour réduire les Iroquois[1]. Toutes les impressions qu’il reçut vers cette époque durent affermir en lui ce dessein. La belle et touchante épître que lui adressa presque au même moment le Père Le Jeune émut sans aucun doute sa fierté royale et sa foi chrétienne. « Sire, » écrivait ce vénérable religieux, « voici votre Nouvelle-France aux pieds de Votre Majesté. Une troupe de barbares, comme vous fera voir ce petit livret, l’a réduite aux abois. Écoutez, Sire, si vous l’avez pour agréable, sa voix languissante et ses dernières paroles : « Sauvez-moi, s’écrie-t-elle, je vais perdre la religion catholique : on me va ravir les Fleurs de Lys ; je ne serai plus française, on me dérobe ce beau nom, dont j’ai été honorée depuis si longtemps ; je tomberai entre les mains des étrangers quand les Iroquois auront tiré le reste de mon sang qui ne coule

  1. Lettres de la Mère de l’Incarnation, édition Richaudeau, 1876, volume II, p 425. — Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France, vulgairement dite le Canada, Paris, 1664.