Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/30

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À peine possesseur d’une fortune considérable pour une ville de province, je formai le projet d’affranchir ma patrie du tribut onéreux qu’elle payait à l’Angleterre et à la Hollande par l’importation en France des produits de leurs préparations chimiques ; j’achetai un local à côté de Montpellier, j’élevai des bâtiments considérables et je fabriquai successivement les acides sulfuriques, nitriques, muriatiques, oxaliques, etc., l’alun, les couperoses, le sel ammoniac, celui de Saturne, le blanc de plomb, les préparations de mercure et de plomb, etc.[1]. J’y formai même un atelier de poterie pour fabriquer les porcelaines et les poteries de grès dont j’avais besoin. Quelques années après, j’associai M. Bérard, mon élève, à ces établissements, et, lorsque j’ai quitté Montpellier pour me fixer à Paris, je lui en ai laissé la propriété.

Peu de temps après, je me liai d’intérêt avec la

  1. Mon travail sur les aluns artificiels me coûta le plus de peine ; j’avais fabriqué des montagnes de sulfate d’alumine avant d’avoir trouvé le moyen de le faire cristalliser ; je repris alors l’analyse de l’alun de Romé, et je trouvai qu’outre l’acide et l’alumine il contenait de la potasse. Dès ce moment le problème fut résolu, et je fabriquai en grand de l’alun. Peu de temps après, j’envoyai un mémoire à ce sujet à M. Fourcroy, mais quelle ne fut pas ma surprise, lorsque six mois plus tard je vis paraître dans les Annales de chimie l’analyse des aluns, par Vauquelin, dans laquelle il annonçait les mêmes résultats que moi, qui depuis deux ans les avait mis en pratique dans mes ateliers ! — J’en témoignai mon étonnement à Fourcroy, qui me répondit que lorsqu’il avait reçu mon mémoire, Vauquelin venait de faire la même découverte.