Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/341

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était obéré, il lui faisait remettre une somme suffisante pour payer ses dettes.

Je pourrais ici citer mille traits à l’appui de ce que je viens de dire[1].

Aucun souverain n’a plus donné que l’Empereur, aucun n’a fait plus de mécontents. La raison m’en paraît toute simple. D’abord ses largesses se répandaient souvent par boutades, et la répartition n’était jamais ni en raison des services, ni en raison du besoin : les uns en étaient accablés, les autres n’y avaient aucune part. En second lieu, Napoléon n’a jamais su accorder une grâce, ni faire un don de manière à inspirer de la reconnaissance ; il avait toujours

  1. L’Empereur sortit un jour à six heures du matin et à pied, pour aller visiter avec Duroc les bâtiments qu’on construisait pour l’entrepôt des vins à Paris. Après avoir tout vu, il se sentit pressé par la faim et proposa à Duroc d’entrer dans une auberge pour y déjeuner. Lorsqu’on leur présenta l’état de la dépense, qui s’élevait à six francs dix-neuf sous, aucun d’eux ne se trouva de l’argent pour payer. Duroc fut envoyé pour faire connaître leur état de détresse et proposer de leur donner un garçon qui les accompagnerait chez eux ; l’aubergiste s’y refusa, en leur observant qu’ils payeraient à la première occasion. L’Empereur, rentré chez lui, envoya dix louis à l’honnête aubergiste. Le soir, il parlait gaiement de cette aventure.