Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/342

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l’air de distribuer une aumône, et jamais de récompenser des services ; il humiliait plutôt qu’il n’encourageait. Une autre raison qui n’a pas peu contribué à faire des ingrats, c’est que les généraux surtout considéraient ses dons, non comme des bienfaits, mais comme des dettes qu’il acquittait à leur égard. Naguère ses camarades et ses égaux, ils le regardaient comme leur ouvrage et lui pardonnaient avec peine son exaltation. Ils croyaient tous avoir des droits à partager sa fortune.


Napoléon n’a jamais éprouvé un sentiment généreux : c’est ce qui rendait sa société si sèche, c’est ce qui faisait qu’il n’avait pas un ami. Il regardait les hommes comme une vile monnaie ou comme des instruments dont il devait se servir pour satisfaire ses caprices et son ambition. Un ministre russe, le prince Kourakin, lui parlait des ressources de son pays pour recruter l’armée. « J’en conviens, dit-il, mais votre maître a-t-il comme moi vingt-cinq mille hommes à dépenser par mois ? »