Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/110

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Il rejoignit Sylvie dans un restaurant de la banlieue, où ils avaient convenu de se rencontrer pour éviter d’être vus ensemble. Les fenêtres donnaient sur un square perdu où la poussière avait un arrière-goût de terreau. Par-dessus l’épaule de la jeune femme, en l’embrassant, Georges apercevait la cime de deux ormes feuillus.

Sylvie lui donnait de plus en plus le sentiment qu’il avait des choses à dire, un rôle politique à jouer. Il s’était laissé prendre trop longtemps par la littérature. « On t’a trompé, disait-elle, en te faisant mépriser l’action au profit de frivoles conquêtes littéraires. » Pour que son œuvre cesse d’être un à-côté, un jeu d’amateur, il devait s’engager. Quelle meilleure arène que la politique ? Il tenait la jeune femme au courant de projets dont il ne disait rien à Jeanne. Et, en échange, elle lui disait tout ce qu’il désirait entendre, ce qu’il pensait lui-même. Écho fidèle. Elle disait encore : « Tu as l’âge de la politique. Peut-être faudrait-il que tu perdes tout — il entendait ta situation, ta famille — et qu’il ne te reste plus que moi. Rien ne te résisterait. »