Aller au contenu

Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

haut des paupières et semblaient à distance lui tenir lieu de regard. Sa moustache s’écartait rarement pour sourire et il parlait sans en soulever l’épais rideau.

Quand il entendait un bon mot ou qu’il voulait plaire à un gros client, il souriait mais en baissant la tête comme s’il découvrait à ce moment la pointe luisante de son pied droit, chaussé d’une bottine dite bouledogue. Il avait de fort beaux yeux, le nez et les lèvres sensuelles, le front large et puissant, la barbe forte. On se sentait devant une personnalité que l’habitude des affaires et des hommes d’argent avait précocement mûrie.

Il n’y avait pas si longtemps, mon grand-père l’accompagnait encore chez le tailleur, le bottier, le mercier, lui apprenait à évaluer les marchandises, à se faire consentir des réductions, à n’acheter que des produits de qualité. Il devait l’exercer à dominer les fournisseurs comme les clients, à se taire à point, à donner par une inflexion de la voix et du regard du poids aux assertions les plus banales. En sa compagnie, il