Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/25

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se débarrassait des importuns, disait à la vue d’un solliciteur, rencontré dans la rue : « Je voulais justement vous voir. Passez donc à la maison dans quelques jours. » Mais quand on sonnait à sa porte, il n’était pas là, sauf sur rendez-vous bien précis. Mon grand-père avait un besoin presque maladif de se mesurer à plus rusé que lui. Avait-il découragé un solliciteur, il lui rendait un peu d’espoir : « Je pensais à vous hier. Voilà, j’irai vous voir. »

Quand mon père avait rencontré un homme à sa mesure, il disait à mon grand-père : « J’ai dû jouer ma plus grosse carte. » Cette expression impliquait qu’il assimilait les affaires à un jeu. Le plus grand compliment qu’il pouvait faire d’un concurrent, c’était : « Je ne voudrais pas l’avoir dans les jambes. »

Il mettait un diamant pour recevoir un visiteur distingué et faisait naïvement beaucoup de gestes pour le montrer. Il poussait même la fausse bonhomie jusqu’à dire : « Je dois enlever ma bague le soir. On ne serait pas en sûreté dans la rue, à Fontile, avec un diamant. » Il ne