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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/31

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DU DESSIN ET DE LA COULEUR.

teur à certaines préférences dans la manière de poser et d’éclairer le modèle, de préciser ou de noyer les contours. Ce ne sont là, pour ainsi parler, que de belles marques de fabrique.

L’école de Hollande a manqué de style parce qu’elle n’a pas eu la beauté ; mais elle a brillé dans le second degré de l’art ; elle a triomphé par le caractère. Les écoles d’Italie ont eu de grands styles, personnifiés par Léonard, Michel-Ange, Raphaël, Titien, Corrège. Seuls, les Grecs, parvenus à l’apogée de leur génie, ont paru atteindre un moment, sous Périclés, au style par excellence, au style absolu, à cet art impersonnel, et par là sublime, dans lequel sont fondus les plus hauts caractères de la beauté : divin mélange de douceur et de force, de dignité et de chaleur, de majesté et de grâce. Winckelmann a dit ce mot profond : « La beauté parfaite est comme l’eau pure, qui n’a aucune saveur particulière. » Ainsi, dans les sculptures du Parthénon, la personnalité du statuaire s’est effacée, si bien qu’elles sont moins l’œuvre d’un artiste que les créations de l’art lui-même, parce que Phidias, au lieu de les animer au souffle de son âme, y a fait passer le souffle de l’âme universelle. Ceux qui, par amour pour le naturel, se défendent de l’idéal comme d’un ennemi, et veulent emprisonner l’artiste dans l’imitation rigoureuse, s’imaginent sans doute que d’un côté sont la vérité et la vie, de l’autre la convention et le mensonge : c’est une erreur profonde. L’idéal et le réel n’ont qu’une seule et même essence. Le diamant brut et le diamant poli sont l’un et l’autre du diamant ; mais le diamant brut, c’est le réel ; le diamant poli, c’est l’idéal.


V

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Le dessin est le sexe masculin de l’art ; la couleur en est le sexe féminin.

Des trois grands arts qui font l’objet de ce livre, l’architecture, la sculpture et la peinture, il n’y en a qu’un seul à qui la couleur soit nécessaire ; mais le dessin est tellement essentiel à chacun de ces trois arts, qu’on les appelle proprement les arts du dessin. En architecture, le dessin, c’est la pensée même de l’architecte ; c’est l’image présente d’un édifice futur. Avant de s’élever sur le terrain, le monument se dessine et se dresse dans l’esprit de l’architecte : il le copie d’après ce modèle médité, idéal, et sa copie devient à son tour le modèle que devront répéter la pierre, le marbre ou le granit. Le dessin est donc le principe générateur de l’architecture ; il en est l’essence.