Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 231 —

eau puante et fétide qui gâtait tous ses beaux habillements. Et toute l’éternité le maître fat voulait tirer la plume, et toute l’éternité il était ainsi lavé.

Emmi ces horriques animants, vaguaient par couples sauterelles mâles et femelles de taille humaine, l’une jouant du fifre et l’autre brandissant un maître bâton bien noueux. Sitôt qu’elles voyaient un homme qui durant sa vie sauta par couardise du bien au mal, du blanc au noir, du feu à l’eau, n’adorant oncques que le plus fort, les sauterelles allaient audit homme, l’une jouait du fifre, et l’autre, s’appuyant sus son bâton bien majestueusement, lui disait : « Saute pour Dieu, » l’homme sautait ; « Saute pour diable, » l’homme sautait derechef ; Saute pour Calvin, saute pour la messe, saute pour la chèvre, saute pour le chou, » et toujours sautait le pauvre homme ; mais il ne le faisait oncques haut assez au gré de la sauterelle au bâton, de mode qu’il était à chacune fois houcepeigné sans pitié. Et il sautait sans cesse et il était sans cesse battu, cependant que sans cesse le fifre se faisait ouïr plaisamment, et ainsi durant toute l’éternité.

Plus loin, nues et balancées sus des draps d’or, de soie et de velours, couvertes de perles et de mille beaux bijoux, plus belles que les plus belles en Gand, Brusselle et Bruges, lascives et sous-riantes, chantant et