Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 238 —

joyeusement. Il ne lui parut toutefois autant délicieux comme bruinbier, mais il se consola songeant que l’on ne peut partout avoir ses aises. Étant encore plus élevé sus l’échelle, il eut soudain grande peine à retenir son couvre-chef, à cause d’un traître vent d’automne, lequel descendait vers la terre pour y faire tomber les feuilles dernières. Et il fut par ledit vent secoué très-bien, et faillit choir. Cettuy estrif passé, la faim le prit, et il regretta le bon bœuf fumé aux pommes de pin, lequel est tant salutaire aux pauvres voyagiers. Mais il prit quelque courage, songeant que l’homme ne peut s’aviser de tout.

Soudain il aperçut un aigle horrifique venant sus lui de la terre. Cuidant assurément qu’il fût quelque gras mouton, l’aigle monta au-dessus de lui et voulut lui tomber sus comme balle de mousquet ; mais le bon forgeron fut sans peur, se détourna à propos et saisit l’oiseau au col, qu’il tordit bien subtilement. Puis, montant toujours, il s’empêcha à le plumer, y mangea morceaux crus et les trouva coriaces. Toutefois il prit cette viande en patience, parce qu’il n’en avait point d’autre. Puis, patiemment et bravement, il monta pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, ne voyant rien sinon le bleu du ciel et d’innumérables soleils, lunes et étoiles au-dessus de sa tête, à